＜p＞Lucien Lanouette ?tait un joli gar?on de vingt-quatre ? vingt-cinq ans.＜/p＞
＜p＞Je dis joli, mais le mot est peut-?tre exag?r?. Il avait les yeux d’un beau noir, les cheveux de la m?me couleur et boucl?s, une figure souriante qui plaisait d?s le premier abord. Il ?tait grand ー il mesurait cinq pieds et dix pouces, ー mais pas bien gros. En un mot, ? premi?re vue, il pouvait passer pour un beau gar?on.＜/p＞
＜p＞Un critique s?v?re aurait bien trouv? ? redire sur sa bouche un peu trop grande, sur ses oreilles un peu trop rabattues, comme me disait une jeune fille qui le trouvait d?testable, parce qu’il n’avait pas voulu d’elle pour femme ; mais dans la paroisse de Sainte-Anne de la P?rade, o? demeurait Lucien, les critiques ?taient rares dans le temps et on trouvait mon h?ros bien joli. En effet, c’?tait bien le plus beau gar?on de la paroisse.＜/p＞
＜p＞Lucien ?tait commis chez un marchand de l’endroit depuis plus de cinq ans, au moment o? nous lions connaissance avec lui. Son patron l’aimait et il avait bien raison. C’?tait le type du bon commis : poli, courtois, affable. Les pratiques de M. Pierre Marcotte ー c’?tait le nom du marchand, ー en raffolaient.＜/p＞
＜p＞Et les jeunes filles, donc ?＜/p＞
＜p＞Elles venaient de dix lieues ? la ronde, faire leurs petites emplettes chez M. Marcotte.＜/p＞
＜p＞Je n’oserais dire que quelques-unes d’entre elles ne faisaient pas un tout petit peu les yeux doux au commis.＜/p＞
＜p＞Que voulez-vous, des jeunes gens comme Lucien, c’?tait chose rare ? Sainte-Anne, et n’?tait-il pas tout naturel que les jeunes filles eussent de toutes pr?f?rences pour un jeune homme aussi parfait que lui.＜/p＞
＜p＞Quoiqu’il en soit, Lucien ne paraissait pas dispos? ? entrer dans la matrimonie, puisqu’il ne r?pondait nullement aux avances des jolies jeunes filles.＜/p＞
＜p＞On en parlait dans la paroisse, et personne ne pouvait expliquer l’antipathie qu’?prouvait Lucien pour les filles. Bien des m?res auraient d?sir? l’avoir pour gendre.＜/p＞
＜p＞Lucien ?tait un bon parti, pas riche, faut dire, mais il avait une bonne position.＜/p＞
＜p＞L’argent a-t-il jamais fait le bonheur ? On a trop de preuves du contraire pour le croire.＜/p＞
＜p＞?＜/p＞
＜p＞Je disais plus haut que personne ne pouvait expliquer l’antipathie que semblait ?prouver Lucien pour les filles.＜/p＞
＜p＞C’?tait une erreur.＜/p＞
＜p＞Il y avait quelqu’un dans la paroisse qui savait fort bien pourquoi Lucien ne s’amusait pas aux demoiselles de l’endroit.＜/p＞
＜p＞Et ce quelqu’un, c’?tait Marie-Louise, la fille de Marcotte, le marchand.＜/p＞
＜p＞Disons de suite que jamais Lucien ne lui avait parl? d’amour. Mais avec cette intuition qu’a g?n?ralement la femme, elle avait senti qu’elle ?tait aim?e.＜/p＞
＜p＞En fut-elle f?ch?e ? Son ange gardien qu’elle priait chaque soir, aurait seul pu le dire.＜/p＞
＜p＞Mais ? la voir ? genoux dans sa chambrette, les mains jointes, la figure rayonnante de bonheur, on pouvait supposer qu’elle ne demandait pas ? Dieu, d’?loigner de Lucien, l’amour qu’il avait pour elle.＜/p＞
＜p＞Il y avait bien quatre ans qu’ils s’aimaient au moment o? commence notre r?cit.＜/p＞
＜p＞Lucien continuait ? vivre aupr?s de celle ? laquelle il avait donn? tout son amour et comme je le disais plus haut, il n’avait jamais os? ouvrir son c?ur ? la fille de son patron.＜/p＞
＜p＞Pourquoi agissait-il ainsi ?＜/p＞
＜p＞C’est que Lucien avait sa fiert? ? lui, fiert? bien pardonnable, mais qui n’avait pas sa raison d’?tre.＜/p＞
＜p＞Lucien ?tait pauvre et se figurait que c’?tait un crime, dans la position o? il se trouvait, d’oser lever les yeux sur la fille de son patron.＜/p＞
＜p＞Vous ai-je dit que Marie-Louise ?tait belle ?＜/p＞
＜p＞Non ; eh ! bien, je m’empresse de r?parer mon oubli.＜/p＞画面が切り替わりますので、しばらくお待ち下さい。

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